Stop Civaux
Page d'accueil
La centrale de Civaux
Chronologie
12 mai 98
Enceinte de confinement
Amibes
Rejets, déchets
Dossiers
Maintenance nucléaire
L'accident nucléaire
Tchernobyl
Communiqués Sûreté Nucléaire
Site ASN avant 2006
Site actuel de l'ASN
L'association
Présentation
Publications
Nos signets
La page de liens

Nucléaire et Organisation Mondiale de la Santé



Le lobby de l'amiante et celui du tabac ont mangé leur pain blanc. Sans qu'ils soient défunts pour autant, leurs récents déboires éclairent la façon dont ils ont réussi à nuire sur d'aussi longues durées. À quand le tour du lobby nucléaire qui depuis 50 ans nous empoisonne impunément et pour longtemps ?

Les exemples de l'amiante et du tabac

Des dizaines d'années ont été nécessaires pour que les méfaits de l'amiante sur la santé soient officiellement reconnus. Malgré les dénonciations véhémentes d'associations, il a fallu attendre que le nombre de cancers spécifiques ne puisse plus être occulté. Ces années gagnées par un lobby qui s'était assuré la caution d'autorités médicales complaisantes se sont et seront payées en vies humaines. Elles se sont aussi soldées par un scandale financier sans précédent pour la compagnie d'assurances Lloyd's mise en danger par le poids des indemnisations financières des maladies professionnelles des travailleurs américains.

Autre procès retentissant : celui mené contre les industriels du tabac aux Etats-Unis où des poursuites ont conduit à des condamnations lourdes et des indemnisations versées aux services de santé de certains états. Mais le plus intéressant pour nous est sans doute le rapport de l'OMS publié au début du mois d'août, qui accuse cette industrie "active, organisée et calculatrice" de "saper son action pour la santé" (1). Depuis 1998, en effet, le Dr Gro Harlem Bruntland qui assure la direction de l'OMS lutte pour faire baisser la consommation de tabac, véritable fléau sanitaire et social (4 millions de décès prématurés dus au tabac aujourd'hui, 10 millions projetés pour 2030 si la tendance se confirme). Le rapport qu'elle a demandé accuse littéralement les fabricants de cigarettes de "subversion" de l'Organisation Mondiale de la Santé. En effet, la liste des stratégies adoptées est longue. Il s'agit pour l'industrie du tabac :

  • d'influencer les membres de l'OMS en leur offrant des emplois et ainsi tirer avantage de leurs contacts avec l'Organisation pour influencer le contrôle du tabac par celle-ci,
  • de faire pression sur les budgets de l'OMS consacrés au contrôle du tabac,
  • d'infiltration, espionnage, propagande, falsification,
  • de campagnes de dénigrement, de financements philanthropiques pour gagner les faveurs de l'OMS, (ex : campagnes de vaccination),
  • d'utiliser d'autres agences de l'ONU ou de la banque mondiale pour obtenir des informations ou faire pression sur l'OMS...

Ce rapport a le mérite de dévoiler les stratégies de multinationales qui se dépensent sans compter pour neutraliser les organismes susceptibles de les contrôler.

Le zèle et l'arrogance des fabricants de tabac ne sont pas sans équivalents. En termes mesurés nous pouvons dire que nous avons tous été témoins des mêmes débauches publicitaires de l'industrie nucléaire, de son mécénat. Nous connaissons sa présence pesante auprès des organes de décision politique. Nous avons pu tester sa faculté d'intrusion au sein de l'Education Nationale, de l'Université, de directions départementales. Nous connaissons à l'échelon local ses efforts pour courtiser les notables, la profession médicale, etc... Nous connaissons les zones d'ombre de sa transparence calculée, ses petits arrangements avec le règlement et la dosimétrie, sa réticence à laisser filtrer ses données médicales, etc...

et le nucléaire...

Il serait souhaitable que l'OMS s'intéresse d'aussi près au nucléaire qu'au tabac. Tout d'abord parce que de la mine aux déchets c'est une affaire de santé publique aussi énorme. Après tout, le nombre de personnes concernées par le seul accident de Tchernobyl est d'un ordre de grandeur considérable. Et c'est sans compter les maladies professionnelles et les risques au voisinage des installations nucléaires, pour l'instant niées chez nous (où le nucléaire plus qu'ailleurs est une affaire d'Etat) mais qui se font jour aux Etats-Unis au moment où l'on tente d'en finir avec le lourd héritage de la guerre froide.

Mais surtout, si l'OMS est décidée à faire le ménage chez elle, il est grand temps qu'elle dénonce les contrats qui la lient au lobby nucléaire.

Alors que les autorités sanitaires interdisent la commercialisation de produits potentiellement cancérigènes, tératogènes ou mutagènes, on peut être surpris de leur silence et de celui de l'OMS sur les risques liés à une industrie qui évacue dans l'air et dans l'eau des tonnes de radionucléides aux propriétés mutagènes et cancérigènes, contribue à la dispersion sur une grande échelle, de matériaux dangereux, expose travailleurs et populations et produit des déchets qu'elle ne sait pas neutraliser. En à peine deux générations elle a réussi à léguer aux générations futures de quoi les empoisonner durablement. Le pire, c'est que l'industrie nucléaire le fait en touteconnaissance de cause et sans que les autorités médicales s'en émeuvent outre-mesure. Plus on avance dans la compréhension des dommages causés par la radioactivité plus le silence devient pesant (pas étonnant quand la recherche est conduite par l'industrie elle-même, en France par exemple, par EDF ou le CEA)..

Pourtant, si l'on s'intéresse à l'histoire de l'énergie atomique on est surpris de trouver des ouvrages très précoces (des années 50) et sérieusement documentés signalant clairement les dangers de la radioactivité, des faibles doses et mettant en garde contre le développement de l'industrie électro-nucléaire.

En 1957 par exemple, l'OMS publie même un rapport sur les "Effets génétiques des radiations chez l'homme". Son auteur est un Prix Nobel, le biologiste américain H.J. Müller. Celui-ci note en particulier que des doses de rayonnement très faibles peuvent produire des altérations du génôme.

Or ceci risque de mettre un frein à une industrie atomique balbutiante. Alors, ce qui est très révélateur, comme le fait remarquer Michel Fernex (2), c'est que dès l'année suivante, soit en 1958, "l'AIEA (3) et l'OMS, deux organisations des Nations Unies, concluent un Accord qui contraint l'OMS à ne plus entreprendre de recherches, ni publier de documents pouvant gêner la promotion des centrales atomiques, et à conserver un caractère confidentiel à certaines informations sensibles."

D'après l'article I de cet Accord : "Chaque fois qu'une des parties se propose d'entreprendre un programme ou une activité dans un domaine qui présente ou peut présenter un intérêt majeur pour l'autre partie, la première consulte la seconde en vue de régler la question d'un même accord."

D'autre part, en parfaite contradiction avec les fonctions de l'OMS qui se doit de fournir toute information et de donner toute assistance dans le domaine de la santé, l'article III du même Accord prévoit que l'AIEA et l'OMS "peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de renseignements qui leur auront été fournis." C'est ainsi qu'il faut attendre 1989 pour que soit divulguée la migration du nuage de Tchernobyl dans les pays les plus touchés, et 1997 pour que l'OMS évoque discrètement le doublement à venir dans les prochaines décennies de l'incidence des cancers qui lui seront imputables. Onze ans de gagnés pour la réputation et la conquête de marchés d'une industrie capable de nuire et tuer à large échelle.

Voilà donc comment au niveau international, l'action d'un organisme comme l'OMS peut être neutralisée par des accords pour le bénéfice d'une industrie que la vérité menace. Ces accords entre l'IAEA et l'OMS ne sont sont rien d'autre qu'une forme contractuelle des stratégies utilisées par l'industrie du tabac. Ces accords (Relationship Agreements) existent depuis 1958-59 (4). Ils ont été signés avec d'autres organes des Nations Unies qui assurent de ce fait une couverture stratégique à l'industrie nucléaire. Il s'agit de l'Unesco, de l'Organisation Mondiale du Travail, de l'Organisation Météorologique Mondiale (5), de l'Organisation Internationale de l'Aviation Civile et de la FAO. Les termes de ces accords sont en gros les mêmes. Ils comportent des clauses de coopération, de non nuisance puisqu'ils prévoient que les signataires se consultent avant d'entreprendre une action qui concerne l'autre. Ils rendent possible des échanges de personnel, des financements, la réciprocité des informations et la possibilité de garder d'autres informations confidentielles (c'est-à-dire de mettre le couvercle sur les faits qui pourraient nuire au nucléaire). On imagine sans peine tous les avantages que l'industrie nucléaire peut tirer de ces contrats tous azimuts lui assurant coopération et silence, au prétexte très moral de s'assurer de l'utilisation non militaire de l'énergie atomique mais forcément au détriment de la vérité et du public dans certaines circonstances. Le verrouillage de l'information sur Tchernobyl en est la preuve.

Il est urgent que ces liens stratégiques soient au moins dénoncés par l'OMS dont ils pervertissent la vocation. Plutôt que de préparer l'attitude à adopter pour cacher les effets de la prochaine catastrophe nucléaire, elle a l'obligation morale de faire toute la lumière sur les impacts désormais largement connus de la radioactivité sur la santé ou elle ne mérite pas d'exister.


(1) voir le Monde du 4 août 2000.

(2) "Interférences entre l'AIEA et l'OMS", Michel Fernex in Radioprotection et droit nucléaire, sous la direction de Ivo Jens et Joel Jakubec, édit. Georg

(3) L'AIEA, l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique avait initialement pour objectif le développement de l'énergie atomique et devait contrôler la non utilisation militaire de l'assistance qu'elle fournissait.

(4) Le texte de ces accords-->aiea est consultable sur Internet

(5) Comme pour l'OMS il serait intéressant de voir comment les rapports contractuels entre l'AIEA et la World Meteorological Association et ses satellites onusiens infléchissent la communication sur « l'effet de serre ». Une de ces organisations, l'IPCC (International Panel on Climate Change) abreuve les décideurs politiques en données et rapports de synthèse sur l'effet de serre. Objectif ou biaisé ? Un travail à faire. voir ici.

septembre 2000, Stop Civaux

 


Contact STOP-Civaux
Adresse : 20, route de Bonneuil Matours, 86000 POITIERS
tél/fax : 05 49 30 13 29
courriel : stopcivaux (at) free (point) fr
adhésion à l'association : 9 Euros/an
abonnement au journal : 9 Euros/an (4 à 5 numéros)