Stop-Civaux s'indigne de la "désinvolture" (et c'est un euphémisme)
qui accompagne les rejets radioactifs de la centrale Civaux et tient à
le faire savoir.
Les faits :
A quelques semaines d'intervalle, alors que la centrale effectuait des
rejets radioactifs, des appareils de mesure sont restés, comme par
hasard, indisponibles.
- Le 25 mai, la centrale relève " une indisponibilité des mesures de
contrôle " et précise que " dès la découverte de l'indisponibilité,
le rejet a été arrêté ". On ne sait pas de quels effluents il
s'agit, ni quelle était leur activité, ni pendant combien de temps
les rejets ont été effectués sans contrôle, ni si l'anomalie n'a été
découverte qu'une fois le rejet fini.... Le public est simplement
prié de bien vouloir croire qu'il n'y aurait pas eu dépassement des
seuils fixés par arrêté.
- Le 3 juillet on apprend par la presse, que des rejets ont eu lieu
les jours précédents. Cette fois c'était les capteurs de débit de la
Vienne qui indiquaient 27m3/seconde (limite en-dessous de laquelle
la centrale n'a plus le droit de rejeter des effluents radioactifs),
alors que le débit de la rivière était en réalité inférieur
(21,3m3/s) au moment de l'opération. Les rejets n'auraient donc pas
dû avoir lieu.
Le CNPE a une de fois de plus franchi la ligne jaune, en toute
innocence, la faute incombant à des appareils de contrôle mal
étalonnés. Une fois encore, le public est prié de croire qu'il n'y a
" pas eu de conséquences sur l'environnement ". C'est beaucoup
demander lorsque le contrôleur s'auto-contrôle (avec, en plus, des
appareils opportunément défaillants !)
Faut-il croire au hasard ?
- L'an passé en avril, à cause d'un défaut d'étalonnage, l'appareil de
mesure de l'activité en tritium des rejets, dans des circonstances
très semblables à celles d'aujourd'hui, sous-estimait d'un tiers
l'activité de ces rejets (44Bq/l au lieu de 130). Or l'incident avait
été connu grâce à une visite inopinée des inspecteurs de la Sûreté
nucléaire. Que se passe-t-il en l'absence de témoins ? Rend-on
publics les " malaises " des appareils de mesure si personne n'est là
pour constater les anomalies ? Comment avoir confiance dans les
assurances données par le CNPE, alors que les incidents de même type
se renouvellent avec insistance ?
Quelle importance et pourquoi s'insurger ?
Ces incidents déclarés sans fanfare, nous paraîssent très
symptomatiques de la façon dont fonctionne le nucléaire et ils mettent
en évidence quelques problèmes qui ne sont pas seulement liés à
Civaux. En quelques remarques :
- Un problème insoluble : le dimensionnement des installations
:Dès que la centrale de Civaux a existé à l'état de projet, son
dimensionnement par rapport aux capacités de refroidissement et
de dilution de la rivière Vienne a fait problème. EDF a donc
revu sa copie réduisant à deux le nombre de réacteurs
initialement prévus, en augmentant la puissance. Mais le
problème est resté entier.
- L'année passée particulièrement sévère a montré qu'il était
impossible de faire fonctionner simultanément les deux réacteurs en
été, et qu'un soutien d'étiage était nécessaire même pour un seul
réacteur.
- Le prélèvement d'eau (consommation/évaporation) n'est pas la seule
difficulté : un débit suffisant pour la dilution des rejets est
crucial, la centrale ne pouvant pas stocker indéfiniment ses
effluents. Il est en effet impossible de procéder à des rejets en
dessous de 27m3/s. Or cette année l'été est en avance, les débits
sont déjà inférieurs à la limite et vont considérablement baisser
comme tous les étés. Pourtant la centrale doit vidanger ses bâches
pour pouvoir continuer de fonctionner et avoir une réserve de
rétention suffisante en cas de pépin. D'où peut-être la hâte de s'en
débarrasser ?
- Des rejets radioactifs en quantités inédites : On constate pour
la première fois en janvier et en avril de cette année que la
quantité de tritium liquide mensuelle rejetée a dépassé les 6000
GigaBecquerels. Même chose pour le mois d'avril. Or jamais à
Civaux de tels chiffres n'avaient été atteints. A cela deux
raisons ;
- Les deux réacteurs ont fonctionné cet hiver pour la première fois
simultanément et à pleine puissance, dépassant souvent leur capacité
nominale de 1450Mwe (ce que nous estimons d'ailleurs aussi être un
dépassement abusif !)
- Comparé aux centrales de type antérieur, il s'avère que le palier N4
produit une quantité de rejets liquides très supérieure en tritium
aux autres centrales. Ce tritium qui est rejeté en Vienne doit être
dilué et doit poser des problèmes inédits, voire imprévus, à
l'exploitant .
- Quelle qualité d'eau pour le consommateur ? Nous sommes
surtout soucieux devant ces rejets, car sur son trajet la
Vienne sert à recharger des nappes phréatiques et alimente des
agglomérations en eau censée être potable ! La population de
Châtellerault n'a d'autre source d'approvisionnement que la
rivière. Malgré une station de traitement ultra-moderne, nous
doutons que la radioactivité de l'eau soit mesurée par une
entité indépendante d'EDF . C'est pourquoi nous suggérons que
le CNPE prévienne la municipalité des dates de ses rejets et
que l'expérience soit faite de mesurer la teneur en
radioéléments de l'eau qui arrive à Châtellerault lors de ces
périodes.
- Une CLI à l'image des appareils de contrôle : Enfin, lors du dernier
incident , le CNPE a pris soin de dire qu'il en avait avisé le
président de la CLI (Commission Locale d'Information), or celui-ci
n'a pas jugé bon d'avertir ni de réunir les membres de cette
commission qui ne joue d'autre rôle que celui de chambre
d'enregistrement. Pourtant, la vocation d'une telle commission est
de veiller au grain et d'informer le public.
Nous chanterons donc pas les louanges du nucléaire comme le font dans
la presse locale ses suppôts locaux, alors même que des rejets
incontrôlés ont lieu !! Nous nous en tiendrons aux faits pour montrer
que la ligne jaune est souvent franchie, et ce au détriment de la
santé de la population. Les questions que tout le monde devrait se
poser sont les suivantes :Quels seront à moyen terme les effets de la
consommation d'eau de la Vienne ou le simple voisinage d'une centrale
dont les appareils de mesure tombent en panne quand cela l'arrange ?
Et comme Civaux n'est pas une exception, puisque la France compte 58
réacteurs nucléaires, quels seront les effets sur la population des
rejets comptabilisés et surtout de ceux qui échappent à tout contrôle
? ? ? A ce sujet, le Groupe permanent des experts pour les réacteurs
nucléaires dans son rapport de mai 2004, avec beaucoup d'indulgence,
estime la valeur de l'activité rejetée imputable aux rejets
incontrôlés "à un centième des rejets annuels réels effectués en
application des autorisations de rejets." L'incident sur le tritium à
Civaux en 2003 nous montre que c'est sans doute très loin de la
vérité. Si tout était à l'aune de cet incident, les rejets réels
seraient trois fois supérieurs aux rejets déclarés. Les anomalies
récentes nous confortent dans nos doutes.
Ceci n'est qu'un des scandales de la production d'électricité
nucléaire que nous entendons dénoncer.
3 juillet 2004, Stop Civaux