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Bouffées de vapeur et sueurs froides



La centrale la plus sûre du monde a des bouffées de vapeur : Incident classé niveau 2 !

Le 13 mai, un communiqué de la DSIN annonce qu'une fuite d'eau importante est survenue sur un circuit de refroidissement du réacteur à l'arrêt (RRA). (Le réacteur 1 de la centrale de Civaux, en essai de premier démarrage, est en effet à l'arrêt depuis le 7 mai. Pourquoi ? Mystère.) Officiellement, la fuite détectée la veille peu avant 20h, avait un débit moyen de 30m3 par heure, et a été maîtrisée vers 5h00 du matin. Elle serait due à une fissure de 18 cm sur une soudure d'un tronçon du circuit RRA. Deux à trois cents m3 d'eau du circuit primaire se sont répandus dans le bâtiment réacteur avant d'être collectés dans des puisards. L'incident n'aurait pas eu de conséquences pour l'environnement et les personnes.

Pourtant l'incident est sérieux. Il sera classé le 13 mai au niveau 2 de l'échelle INES, ce qui ne s'était jamais produit sur un réacteur à l'arrêt, du moins en Europe.

Ce niveau d'échelle correspond à des "défaillances importantes des dispositions de sûreté" et/ou à une "contamination importante ou une surexposition d'un travailleur". Une perte de fluide de refroidissement du circuit primaire est un accident grave.

La centrale monte en puissance, les incidents aussi

EDF n'a rien dit ou si peu. C'est le quotidien Libération, dans son édition du 15 mai, qui en dit le plus long et, sous le titre "Nuit d'angoisse nucléaire à Civaux" donne un récit plus détaillé de l'accident.

Tout a commencé peu avant 20h, le 12 mai, par une baisse rapide de la pression dans le réacteur. Une fuite a eu lieu mais ne peut être localisée. Les premiers indices, des jets de vapeur dans le bâtiment réacteur, déclenchent les alarmes incendie. Il est environ 1h du matin. A 3h20, une brèche de 18 cm de long sur un tronçon du circuit RRA laisse échapper un geyser d'une vingtaine de mètres de haut. Aucune intervention n'est possible, avec un débit de 42m3 par heure d'une eau radioactive qui se transforme en vapeur bouillante. Ce n'est que vers 5h45, alors que la pression et la température ont baissé, qu'une douzaine d'agents rappelés dans la nuit, vont pénétrer en tenue "shadock" dans le bâtiment réacteur. Ils localisent la fuite et effectuent une réparation d'urgence qui réduit le débit de la fuite à 6m3/h.

On est assez loin de la version édulcorée des faits destinée au public ! Comme la pilule d'iode, elle est destinée à nous empêcher d'avoir peur. On ne peut pas dire non plus que l'impression qui se dégage est une impression de maîtrise.

On sait que L'OPRI dans un communiqué daté du 15 mai, précise que les intervenants "ont fait l'objet de contrôles" et qu'aucune contamination "corporelle" n'a été relevée. "L'équivalent maximal relevé a été de 0,46 millisievert pour un agent EDF". L'OPRI "procède également aux vérifications nécessaires concernant l'absence de contamination des agents d'intervention (anthropogammamétrie, analyses urinaires.)". Les analyses ne sont pas terminées.

La DSIN dans son communiqué du 18 mai (le dernier à ce jour) réitère que l'incident est resté sans conséquence pour l'environnement. Elle précise la procédure retenue pour le changement du tronçon de circuit défaillant : "refroidissement du coeur assuré par la file intacte du RRA avec formation d'une bulle au pressuriseur à faible pression." La procédure initialement annoncée a dû être abandonnée pour des raisons de sécurité. (Il s'agissait de passer de l'arrêt à froid à un arrêt à chaud en augmentant la pression et en utilisant le circuit de refroidissement passant par les générateurs de vapeur.)

Inquiétant : 39 coudes semblables à celui qui a cédé et provenant du même lot de fabrication (Framatome) sont répartis sur les deux circuits de refroidissement à l'arrêt. Ils doivent être vérifiés et éventuellement changés. Pour plus de sécurité, les barres de combustibles seront déchargées quand le cúur sera suffisamment froid, ce qui nécessite la réparation et la remise en service du circuit de refroidissement défaillant (en croisant les doigts pour que le second tienne le coup!)

Sortir du nucléaire : une urgence

Voici donc ce que nous avons pu reconstituer à partir de sources diverses.

Cet incident spectaculaire et grave prouve que, même à l'arrêt, une centrale est dangereuse. Mais d'ores et déjà des questions se posent.

STOP-CIVAUX INTERROGE

Mais où est donc le contrôle qualité tant vanté des centrales ? Les contrôles par radiographie ont-ils été faits ? Les radios ont-elles été examinées ou sont-elles fausses ? Cela s'est déjà produit.

L'acier de ces soudures n'a pas pu être si vite usé, car cette centrale n'a fonctionné que quelques dizaines d'heures. Si leur comportement n'est pas prévisible, la fabrication des aciers n'est-elle pas à revoir ?

En l'état actuel, à Civaux, il n'y a plus de redondance du circuit de refroidissement à l'arrêt et la voie RRA (B) qui assure actuellement le refroidissement possède une vingtaine de coudes du type de celui qui vient d'éclater. Les sueurs froides ne sont pas terminées. !

Nous l'avons peut-être échappé belle. Mais on peut se demander si c'est bien fini.

Autres questions : au moment de l'accident et depuis, des rejets radioactifs gazeux ou liquides, volontaires ou non ont-ils eu lieu ?

Quel a été le niveau du plan d'urgence interne (PUI) ? Y en a-t-il eu un de déclenché ? Au bout de quel laps de temps les pouvoirs publics ont-ils été prévenus? Une cellule de crise a-t-elle été réunie dans la nuit ?

EDF mène le public en bateau sur la fiabilité du nucléaire.

Combien de fois avons-nous entendu que cette centrale était la plus sûre du monde !

Ses employés pratiquent-ils la méthode Coué pour se convaincre qu'ils ne risquent rien.

A chaque problème soulevé (étiage, rejets impossibles, etc...) ils affirment que la solution sera l'arrêt temporaire du réacteur. Or ce type d'arrêt se révèle aussi dangereux que le fonctionnement ! Alors arrêtons de naviguer à vue.

Dans le cas présent, le temps passé avant que le problème ne soit identifié, la difficulté à intervenir ne nous font pas incriminer la compétence des équipes en place mais la technologie, dont la vulnérabilité réside dans sa complexité . La preuve est faite de cette vulnérabilité quand une pièce de quincaillerie, censée résister à 40 bars de pression, lâche au bout de quelques semaines. Des soudures il en existe par milliers.

Qu'en sera-t-il quand EDF sera obligée de moduler le fonctionnement du réacteur en fonction du débit capricieux de la Vienne, ce qui occasionnera une multiplication des écarts et des chocs thermiques ?

Qu'en sera-t-il quand le réacteur sera poussé à 100% de sa puissance ?

Nous, nous n'avons pas envie que cela saute. Nous ne voulons pas d'un nouveau Tchernobyl. Pour l'éviter, il faut sortir du nucléaire immédiatement !

Malgré le silence qui pèse sur l'incident depuis le 18 mai, nous savons que rien n'est joué. La réparation du tronçon défaillant doit se faire ce week-end (24-25 mai) pour permettre par la suite un déchargement du réacteur . Celui-ci est rendu nécessaire pour la vérification de l'installation notamment de la quarantaine de coudes identiques au coude inexplicablement défaillant.


Un article de R. Sené consacré au vieillissement des centrales et intitulé : "Le talon d'Achille d'EDF : les aciers", signale que dans la perspective d'une prolongation de la durée de vie des centrales, le vieillissement des aciers, la méconnaissance de l'évolution des matériaux sous irradiation et les choix techniques souvent guidés par un compromis entre coût et sûreté, constituent des paramètres préoccupants qui appellent des contrôles sévères.

Cet article paru dans la revue de la DSIN (Contrôle d'avril 98) aurait des airs prémonitoires si EDF n'était pas au fait de nombreux problèmes affectant les matériels neufs et ne disait (1992) : "la découvertes de ces anomalies conduit à s'interroger sur la qualité de leur fabrication d'une part, et d'autre part sur les raisons pour lesquelles les défauts de fabrication n'ont pas été détectés plus tôt en particulier pendant les contrôles qui précèdent la mise en service des réacteurs."

22 mai 1998, Stop Civaux

 


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